Le géant de l’informatique Apple n’autorise pas ses clients à réparer eux-même leur iPhone, iPad et ordinateur portable. Une pratique pourtant illégale selon la législation européenne… Explications d’Arnaud Hamann, avocat spécialisé.
© AFP
Les passionnés de nouvelle technologie, et les férus de la marque à la pomme, ne sont pas prêts d’oublier l’arrivée du premier modèle d’iPhone. C’était en 2007 et il est vrai qu’à l’époque, le premier smartphone d’Apple s’est largement distingué et était perçu comme étant révolutionnaire. En revanche, certains “geeks” n’ont pas accueilli l’engin – dont tout le monde parlait – avec le même enthousiasme. S’ils déploraient que l’écosystème entourant l’iPhone soit fermé, ils pointaient également du doigt le fait que l’appareil soit équipé d’une batterie inamovible. Ce qui a par conséquent “obligé” les utilisateurs à prendre une habitude peu pratique : celle de se déplacer avec le chargeur de leur iPhone s’ils veulent s’assurer de ne jamais tomber en passe de batterie…
Et si cette spécification technique n’a jamais évolué sur chacun des nouveaux modèles de l’iPhone, Apple a pris soins de renforcer sa stratégie : d’une part, en utilisant une colle plus forte pour encore mieux fixer la batterie à la carte mère du smartphone, et d’autre part, en utilisant des vis de type Pentalobe, ce qui a eu pour conséquence de compliquer le démontage de l’appareil. Ce n’est effectivement pas dans les quincailleries les plus banales que l’on peut trouver un tournevis supportant un tel format.
En attendant, la pratique du fabricant californien s’est étendue par la suite… à ses ordinateurs portables et également à l’iPad. Du coup, en cas de souci de batterie avec l’iPhone, l’iPad ou un MacBook Air/Pro, c’est le retour obligé au service après-vente. Ce qui n’est pas très pratique si l’on a besoin d’utiliser ce type d’appareils au quotidien.
Cette pratique est-elle légale dans le chef d’Apple? Pas complètement. Le Parlement européen a en effet mis en place deux directives qui ont pour but de permettre aux consommateurs un accès aisé à la batterie. Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons demandé des explications à un spécialiste. Il s’agit d’Arnaud Hamann, avocat spécialisé dans le droit économique au cabinet bruxellois Dugardyn & Partners :
La première directive (2006/66/CE) du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 est extrêmement claire. Elle prévoit que les batteries usagées doivent pouvoir être aisément enlevées. Or, il n’est pas rare de constater que les batteries de certains appareils électroniques sont collées, ou nécessitent des outils spéciaux pour être extraites. Je suis dès lors très surpris de constater que, dans la pratique, leurs fabricants ne sont jamais inquiétés, même s’il est vrai que la loi peut être contournée, par exemple lorsque pour des raisons de fonctionnement, une connexion permanente est nécessaire entre l’appareil et sa batterie.
Si l’on en croît l’avocat spécialisé, Apple pourrait donc contourner la législation en arguant que ses appareils, en l’occurrence l’iPhone et ses ordinateurs, nécessitent une connexion permanente avec leur batterie pour fonctionner. Ce qui est bien-sûr des plus logiques.
La deuxième directive, elle, se veut plus sévère. Et on se demande comment le géant américain opère pour la contourner ? Mais d’après notre spécialiste, elle est toutefois critiquable à plus d’un titre :
La deuxième directive (2012/19/UE) du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 est relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (Directive DEEE). La réglementation issue de cette directive empêche de compliquer la réparation d’un appareil électronique. Cependant, en plus de ce qui a été dit plus haut concernant les batteries, cette réglementation est critiquable sur au moins trois points, :
– premièrement, elle a un champ d’application forcément réduit (elle ne s’applique pas aux voitures, par exemple) ;
– deuxièmement, elle n’introduit pas une obligation de « durabilité » pour les produits concernés : il faut qu’ils soient simplement plus « réparable ». Or, on sait que réparer coûte cher ;
– troisièmement, pour contourner la règlementation, les fabricants peuvent toujours arguer qu’un « avantage déterminant » se cache derrière la méthode de conception utilisée, par exemple, parce qu’elle rend le produit plus sûr.
Malgré que des dispositions soient donc mises en place par le Parlement européen pour tenter de protéger les consommateurs, Apple utilise visiblement certaines “astuces” qui lui permettent d’outrepasser la législation. Mais la firme californienne n’est pas la seule à profiter des failles du système. C’est le cas également pour d’autres multinationales qui fabriquent également des ordinateurs ou des appareils électroménagers.
En conclusion, il semblerait que le Parlement européen mette en place des directives qui laissent une certaine flexibilité aux fabricants tel que Apple. Ou alors, plus inquiétant, il n’y aurait pas de volonté de les contrôler davantage.
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